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Polémique autour de "Houris" de Kamel Daoud : L’histoire d’une appropriation ou d’une inspiration littéraire ?

Kamel Daoud, l'écrivain franco-algérien, a remporté en 2024 le prestigieux Prix Goncourt pour son roman Houris. Un triomphe littéraire qui semble cependant éclipsé par une controverse de grande envergure. Deux plaintes ont été déposées en Algérie, accusant l’auteur et son épouse d’avoir utilisé sans consentement l’histoire d’une victime de la guerre civile algérienne des années 1990 pour nourrir son ouvrage.

 

Une accusation de violation du secret médical

Saâda Arbane, une Algérienne rescapée d’un massacre perpétré durant la guerre civile des années 1990, affirme que son histoire a été utilisée sans son consentement dans le roman Houris. Dans une interview accordée à la chaîne algérienne One TV, elle raconte comment, il y a trois ans, elle a été contactée par la femme de Kamel Daoud, psychiatre, qui lui a demandé l’autorisation de raconter son histoire. Saâda Arbane aurait refusé plusieurs fois de partager ses souvenirs pour un projet littéraire. Pourtant, selon elle, son histoire a été utilisée sans son accord, dans un roman qui, de plus, lui a été dédicacé par Kamel Daoud.

 

Les preuves avancées

Pour étayer ses accusations, Saâda Arbane a présenté plusieurs éléments qui, selon elle, prouvent que son histoire a été utilisée à son insu. Le journaliste algérien Sabeur Younes, qui a interviewé la plaignante, a révélé qu’il avait pu vérifier ses propos en consultant des preuves tangibles, notamment des échanges de SMS entre la victime et l’épouse de Kamel Daoud. Il a aussi mentionné le roman Houris, que l’écrivain a dédicacé à Saâda Arbane, soulignant ainsi que l’auteur avait connaissance de son histoire.

D’après Younes, ce n’est qu’après avoir reçu cette dédicace que Saâda Arbane s’est sentie « trahie » et a décidé de parler publiquement. La dédicace du livre a exacerbé son sentiment d’injustice, la convainquant que son intimité avait été violée, et son histoire récupérée sans autorisation pour alimenter une fiction littéraire.

 

La réaction de Gallimard : un soutien sans faille à l’auteur

Face à ces accusations, l’éditeur de Kamel Daoud, Gallimard, a réagi avec fermeté. Dans un communiqué, la maison d’édition a dénoncé des « campagnes diffamatoires » qu’elle attribue à certains médias algériens, qu’elle associe à des groupes proches d’un régime politique. Pour Gallimard, l’objectif semble être de protéger l’image de l’auteur, en minimisant l’impact des accusations portées contre lui. L’éditeur a également mis en avant le succès commercial du roman Houris, qui s’est écoulé à plus de 300 000 exemplaires, et a rapidement atteint le sommet des ventes après le prix Goncourt.

En réponse à l’attaque lancée par Gallimard, Sabeur Younes a tenu à rappeler que One TV n’est pas une chaîne pro-pouvoir. Il a ajouté qu’il avait agi avec indépendance dans son travail d’investigation, et qu’il avait cherché à vérifier les informations fournies par Saâda Arbane.

 

Les implications éthiques et littéraires de cette affaire

L’affaire met en lumière des questions éthiques cruciales concernant la frontière entre la création littéraire et le respect de la vie privée des individus. La question qui se pose est de savoir jusqu’où un écrivain peut puiser dans la réalité d’autrui pour nourrir son œuvre, sans violer la confiance de ceux dont il s’inspire.

Pour Kamel Daoud, cette affaire pourrait ternir l’image de son roman et faire naître des doutes sur l’éthique de sa démarche.

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